Bonjour bonjour Voila un essai, que j'ai débuté il y a quelques mois déjà, et que j'avais laissé sur pause, faute de temps. Mais maintenant que j'en ai -raisons personnelles je suis tout à fait disposée à la continuer, si cela vous plait...Bonne lecture à vous
et n'hésitez pas les critiques constructives!
Retrouve-moi
« Les fous pensent-t-ils qu’ils sont fous ? »
C’était ce à quoi pensait Sam. Un mince filet de transpiration coula le long de son dos, et il s’agita nerveusement sur sa chaise.
Ce qu’il faisait chaud!
Il jeta un coup d’œil furtif sur la classe: tous les élèves -tous, sans exception- étaient penchés sur leurs feuilles et couvraient déjà de mots, ces mêmes mots qui lui étaient interdits.
Il surprit cependant le regard narquois que lui jetait un élève dont son nom lui échappait, mais qui était toujours le premier à le charier.
« Les fous pensent-t-ils qu’ils sont fous ? »
Pourquoi avait-t-il fallu que le professeur choisisse ce sujet précisément pour cette
Rédaction ? Pourquoi?
Il était pourtant cruel de lui imposer cette torture. Oui mais, sauf que, il n’était lui-même pas très apprécié au sein de l’enceinte du collège. Voir pas du tout.
Sam avala sa salive avec difficulté, et songea un instant à prétexter un mailaise pour éviter ce moment gênant. Mais se retrouver à l’infirmerie n’étant pas une idée très enthousiasmante, il abandonna cette idée. Ses yeux relurent pour la énième fois l’énoncé de la rédaction.
« Les fous pensent-t-ils qu’ils sont fous ? »
Subitement, il se demanda ce que pouvaient bien écrire les autres. Peut-être même citeraient-t-ils son propre cas pour illustrer leurs propos!
Comme une peur panique effroyable commençait à s’emparer de lui, et que les picotements reconnaissables entre mille commençaient à naitre dans sa nuque, Sam inspira à fond et s’efforça de se calmer. Ce n’était franchement pas le meilleur moment pour avoir une crise…
« Les fous pensent-t-ils qu’ils sont fous ? »
« Voyons, songea Sam avec hypocrisie. Est-ce-que je pense que je suis fou ? »
Il était au courant, certes -comment pourrait-t-il ignorer les remarques et autres méchancetés que lui lançaient les autres élèves ?- mais de là à penser lui-même qu’il était cinglé…
Avant même de ressentir la folie, il ressentait la douleur. C’étaient surtout les autres qui ne comprenaient pas et se faisaient de fausses idées… Oui, mais voila: et s’il l’était pour de
bon ? S’il était réellement fou, mais refusait de l’admettre ?
Sam entendit quelqu’un chuchoter, il releva la tête et vit qu’une élève aux longs cheveux blonds pâles s’entretenait avec une autre adolescente en regardant dans sa direction. La nature des propos qu’elles échangeaient n’était pas très difficile à deviner.
Tout en rougissant et baissant la tête, Sam sentit les dernières miettes de son amour-propre déjà malmené s’effriter complètement.
Pourquoi ? Pourquoi est-ce-qu’ils étaient tous ainsi ? Pourquoi le malmenaient-t-ils ? Il n’était pas la seul bizarerie présente dans ce collège, avaient-t-ils oublié Thomas, qui louchait malgré ses lunettes aux verres si épais que ses yeux apparaissaient flous ? Et Myriam, qui, elle, répétait souvent la même chose, et oubliait régulièrement de noter ses devoirs à faire à la maison ? Ou simplement Brunehilde , dont l ’originalité de son prénom invitait aux
moqueries ?
Avec une bouffée d’égoïsme, Sam regretta que les élèves ne harcelent pas ces deux là plutôt que lui. Mais non. Pas de chance, mon pauvre Samy, c’était lui qui était tombé plus bas que terre, sa vie à lui que les autres rendaient infernales, lui encore qui était traité comme un moin que rien, comme un fou…
Nouveau regardà la pendule. Cela faisait une demie-heure que le controle avait débuté, et il n’avait toujours rien écrit.
Ses notes n’étaient, certes, pas faramineuses, mais il s’efforçait cependant d’obtenir la moyenne dans chaque matière. Il était particulièrement doué en mathématiques, bien que le professeur de cette matière ne l’aimat pas beaucoup. C’était vrai aussi que Mr Hubert n’avait pas apprécié que son cours soit perturbé sur presque toute sa durée par son évanouissement soudain.
Sam se raidit à ce souvenir. Apparament, c’était à partir de ce moment là que les autres avaient commençé à le torturer. Logique. Un garçon solitaire qui parle et crie tout seul dans son coin en demandant à des choses invisibles de s’en aller, d’arrêter de le harceler, de lui faire mal, de le tuer, et qui finissait par tomber dans les pommes en s’affalant sur son bureau…il y avait franchement de quoi se fendre la poire.
Enième coup d’œil à la pendule. Il restait une autre demie-heure avant la fin du contrôle.
Sam se força à saisir son crayon, se força de nouveau à le poser sur sa feuille. Mais sa main tremblait, et la sueur coulait toujours le long de sa colone vertébrale.
Il passa le reste de l’examen ainsi, torturé par le devoir d’écrire, mais cependant dans l’incapacité d’obéir à la raison. La seule marque d’écriture sur la feuille lorsque le professeur la ramassa fut le petit point noir laissé par son stylo alors qu’il l’avait posé sur la première ligne.
La porte d’entrée grinça désagréablement lorsque Sam la poussa, les bras chargés de sacs de courses. Il rangea la nourriture dans les placards de la cuisine, avisa un papier bleu ciel posé sur la table.
Sam,
Je suis sortie promener le chien, je serai de retour vers 18h30.
Si tu as un problème, tu peux m’appeler sur mon portable, le numéro est affiché
au-dessus du téléphone.
Maman.
Le sarcasme envahit Sam tandis qu’il froissait le mot et le jetait à la poubelle. Comme si, lui, aurait besoin de l’appeler! N’était-ce pas lui qui se chargeait des courses, de la vaisselle, du ménage, qui s’occupait de faire la cuisine ? Du linge ? Des factures à payer ? N’était-ce pas lui qui travaillait dans l’ilégalité pour subvenir à leurs besoins, puisqu’il n’avait pas encore seize ans ? N’était-ce donc pas lui qui gérait leur vie ?
Mais son agacement fut vite remplacé par l’inquiétude. Sa mère n’était pas totalement autonome. Il pouvait lui arriver n’importe quoi, dehors. Dehors, c’étaient les rues à traverser -il ne savait même pas si elle regardait des deux côtés avant de s’élancer!- mais aussi les rencontres. Et elles ne pouvaient être que mauvaises.
Sam alla dans sa chambre pour lire l’heure au réveil. Il n’était que 18h20. Il n’y avait donc pas encore lieu de s’inquiéter.
« J’attends encore cinq minutes, et ensuite, j’appelle. »
Puis, il se rendit compte que, de tout l’après-midi, il n’avait fait que regarder quelle heure il était. Ses pensées s’égarèrent, jusqu’à ce qu’il se rende compte que l’administration du collège allait probablement tenter d’avertir sa mère de son contrôle désastreux.
Sam espérait que ce serait par courrier. Ce ne serait pas la première fois qu’il aurait à imiter la signature de sa mère…
Il entendit la porte d’entrée s’ouvrir, et bientôt les aboiements hystériques de Marley retentirent dans l’appartement. Sam se hâta de mettre ses effets personnels fragiles à une hauteur supérieure à un mètre juste à temps, car une boule de poils brune lui sauta dessus, si bien qu’il tomba sur le dos.
Le choc, combiné au poids du chien avait vidé ses poumons et, tout en essayant d’avaler une bouffée d’oxygène, il repoussa la tête de son chien qui voulait lui lécher le visage.
Après avoir bataillé un moment, l’adolescent et le chiot se séparèrent, le premier roulant sur le côté, aspirant une goulée d’air avec avidité, le second s’asseyant sur son postérieur, la langue pendant, en remuant joyeusement la queue.
« - Marley, tu n’es plus aussi léger qu’avant, tu le sais ça ?
Pour toute réponse, le labrador brun secoua la queue de plus belle.
- Tu vas finir par me tuer, tu sais, fit Sam en essayant de se relever.
Mais Marley ne l’entendait pas ainsi: il bondit de nouveau sur sa poitrine, et Sam se retrouva pour la troisième fois de la journée allongé sur dos. Il avait déjà subi un croche-pied en arrivant au collège le matin. Et il commençait à en avoir assez.
- Oui, bon, moi aussi je suis content de te voir, ça te va ? Allez, dégage de là, maintenant…
Après avoir carrément soulevé son chien de son ventre à la force des bras, Sam se rendit dans la cuisine, les biceps douloureux.
Sa mère se lavait les mains à l’évier, et sourit quand il approcha.
- Bonjour, mon chéri. Tu as passé une bonne journée ?
Ayant décidé de passer sous-silence le contrôle de l’après-midi, Sam répondit:
- Ca a été.
Irène se retourna pour observer son fils. Malgré son mensonge, Sam n’avait pas réussi à masquer le dégout qui avait pointé dans sa voix.
- Tu es tout pâle…
- M’man, je suis toujours pâle. C’est normal.
Irène se força à sourire:
- C’est vrai.
En son for intérieur, Sam songea que si elle s’allarmait même lorsqu’il était dans son état normal, sa mère devrait paniquer si elle le voyait lorsqu’il affrontait une crise.
Ces crises arrivaient toujours sans prévenir…il avait de la chance que personne ne l’ai vu en subir une. Enfin, se reprit-t-il: personne à part sa classe, en cours de maths. Ce qui faisait tout de même une trentaine de personnes, en comptant le prof. Et ces trentes personnes avaient suffi à concrétiser sa réputation de cinglé.
- Ca va, Samy ? Tu as l’air fatigué.
- Non, ça va.
Pour masquer sa mauvaise humeur, l’adolescent prétexta le besoin d’aller remplir les gamelles de son chien. Malheureusement, sa mère le suivit dans le couloir:
- Tu as beaucoup de devoirs à faire, ce soir ?
- Non, pas beaucoup.
Pourquoi ? S’empêcha-t-il de demander.
- Je me disais qu’on pourrait sortir, tous les deux.
Sam releva la tête de la gamelle de croquettes.
- Pardon ?
- Tu sais, aller au cinéma, quelque-chose comme ça.
Sam se mordit la lèvre inférieure, tic qui le reprenait à chaque contrariété. Comment sa mère pouvait-t-elle ignorer -ou s’en moquer- que l’argent ne coulait pas à flot chez eux ? Et comment pouvait-t-il le lui rappeler ?
- Heu…M’man, j’aimerai bien prendre un peu d’avance sur le cours d’histoire de
demain. Lire le chapitre sur la Première Guerre mondiale.
- Oh, d’accord.
Sa mère paraissait déçue. Sam regretta aussitôt d’avoir menti. Mais comment pouvait-t-il faire autrement ? Irène avait une santé fragile. Elle souffrait de dépression, et traversait parfois d’effroyables crises de démences, durant lesquelles elle perdait la mémoire et pouvait devenir violente. Or, ces crises, comme les siennes, ne prévenaient pas avant de la terrasser. Et il n’avait pas envie que cela arrive à l’extérieur. Dehors, il y avait des tas de gens, quelque-uns armés de bonnes intentions, qui pourraient prévenir les urgences, et de fil en aiguille, Sam et Irène se retrouveraient à l’hôpital avec les services sociaux sur les bras…il ne pouvait pas se permettre la moindre erreur. Sam refusait d’envoyer sa mère en hôpital psychiatrique, plus par pitié pour elle que par crainte de se retrouver dans un foyer.
A vrai dire, il se fichait pas mal de ce qui pouvait bien lui arriver, mais il reniait l’idée même que sa mère soit traitée comme une cinglée…
Alors, emmener sa mère dans une salle de cinéma bondée, cela relevait de l’inconscience.
- Une autre fois, peut-être, décida-t-il de mentir à nouveau. Je jeterai un coup d’œil aux programmes.
Irène hocha la tête, l’air absente. Sam était presque sur qu’elle avait déjà oublié de quoi ils parlaient, et son cœur se serra.
- Bon, ben…je vais bosser, fit Sam plus pour meubler le silence pesant qui s’était installé que par réel besoin de prévenir sa mère.
- Qu’est-ce-que tu veux ?
- Hein ?
- Au dîner. Qu’est-ce-que tu veux manger ?
- Oh, heu…
Sam se repassa en vitesse le contenu des courses qu’il avait faite en rentrant du collège.
- Il y a…des pizzas.
- Encore ?
- C’est pratique et rapide à préparer, M’man, se défendit-t-il en haussant les épaules.
- Mais tu n’as pas envie d’autre chose ? Quelque-chose de plus élaboré ?
Avec circonspection, Sam se remémora la dernière expérience culinaire de sa mère.
Les lasagnes faites maison étaient sorties du four à un état avancé de carbonisation.
- Te prends pas la tête, M’man. Des pizzas, c’est bien.
- Très bien, comme tu veux, répondit Irène, l’air étrangement absente de nouveau.
Vite, Sam se hâta de retourner dans sa chambre. Marley s’était de nouveau incrusté dans la pièce, et il lui sauta au visage lorsque l’adolescent entra.
Mais cette fois, Sam le repoussa plutôt violemment. Quelque-chose n’allait pas, il s’en rendait compte. Il n’allait pas bien lui-même.
Sam s’assit à son bureau, serra ses bras autour de sa poitrine pour réprimer un tremblement.
C’était comme si…si une boule amère avait élu domicile dans sa poitrine, au point de l’étouffer, songea-t-il. Et il…était en colère…mais pourquoi diable était-t-il en colère ?
« Parce-que j’ai treize ans, que je suis fou, et me charge de ma mère qui l’est peut-être encore plus que moi, parce-que je suis seul, que tout le monde me déteste, et que ma vie va rester comme ça jusqu‘à la fin. »
L’adolescent ravala une bouffée d’amertume et s’efforça de respirer calmement.
Ce n’était pas la faute de sa mère. Ce n’était pas la sienne non plus. Ni celle de Marley, se rendit-t-il compte lorsque son chien vint s’allonger à ses pieds avec un air penaud.
Désolé, Sam lui caressa la tête, juste entre les oreilles. Aussitôt Marley se coucha sur le dos, quémandant des caresses.
- Excuse-moi, mon vieux. Je crois que j’ai pas été très cool sur ce coup là. C’est juste que…
Juste que quoi ? Qu’il en avait assez, plus qu’assez de cette vie ? Qu’il aurait voulu pouvoir rester caché dans son lit le matin, au lieu d’affronter le regard des autres ?
- …juste que j’ai pas tellement eu de bol pour l’instant. Mais restons positifs, s’exclama-t-il avec une ironie non feinte, peut-être que demain je vais me découvrir un don inné pour la mandolline, qu’un riche directeur de maison de disques va me propulser au rang de rock star!
Qui sait ? J’aurai des tas de femmes à mes pieds et finirai par épouser Susan Boyle. Qui sait ?
Qui sait…
Après s’être pris la tête sur une fiche d’exercices de français -qu’il avait finalement remis à plus tard- et joué quelques minutes à Grand Theft Auto sur sa vieille PS2 -qu’il avait, un rare jour de chance- trouvé dans une poubelle dans la rue-, Sam ne tarda pas à être appelé à table par sa mère. Ils mangèrent leurs parts de pizza assis devant la télé sur des poufs, le canapé ayant malencontreusement été incendié let réduit à l’état de cendres odorantes lors d’une des crises de démences d’Irène.
Sam accepta de regarder « Qui veut gagner des millions ? » pour faire plaisir à sa mère.
Il n’aimait pas ce jeu, où tellement d’argent était là, à portée, et qu’à chaque fois il perdait au bout de quatre ou cinq questions.
- C’est parce-que tu n’as pas la culture générale d’un adulte, mon chéri, expliquait Irène à chaque fois que son fils maugréait . »
« Ouais, pensait Sam à chaque fois que sa mère lui expliquait cela, mais où est-ce-que je pourrai bien me cultiver, moi ? Et quand ? Les moments que je ne passe pas au collège je les passe à travailler pour nous acheter à manger, ou bien à veiller sur toi… »
Une nape de froid s’était étendue sur la ville durant la nuit, et Sam eut plus de mal que d’ordinaire à sortir de son lit. Il allait probablement arriver en retard au collège mais, toujours amer, il s’était persuadé que cela n’avait aucune importance, après-tout.
Mais quand il poussa la porte de la classe de français, il comprit qu’il s’était trompé.
« - Ah, monsieur Morlevent…quelle bonté vous nous faites de daigner vous joindre à nous. »
Monsieur Dieulesaint. Le prof de français. Et lui qui avait ne serait-ce qu’espéré pouvoir se pointer avec… -Sam jeta un coup d’œil à la pendule- presque un quart d’heure de retard. Quel fou était-t-il donc ? Le genre désespéré et prèt à toutes les extrémités ? Ou plutôt le suicidaire dépressif ?…
« Nous désespérions de jamais vous recevoir dans cette humble classe, ricana le professeur.
Heu, peut-être les deux en même temps ?
- Je suis en retard, fit Sam bètement.
- En effet.
- Je…
- Vous ?
- Qu’est-ce-que je risque ?
- Comment ça ? Fit le professeur en plissant ses petits yeux malsains.
- Ben…
Sam s’empourprait. Il était ridicule. Il avait voulu jouer les fiers à bras, et voila où sa foutue fierté le menait. Non mais, quel idiot.
- Vu que je suis en retard, je suppose que disons, heu, que je vais être puni ?
Dieulesaint haussa un sourcil et croisa les bras.
- Monsieur Morlevent, on pourrait presque supposer que vous espérez recevoir une punission.
- En effet, le singea Sam, dans un excès d’effronterie.
Puis, il se rendit compte de ce qu’il venait de dire, et écarquilla les yeux.
- Heu, non, heu…attendez, c’est pas ce que je voulais dire!
Sam sortit du bureau du proviseur en trainant les pieds. Il était collé pour deux bonnes heures, et devrait les faire le lendemain après-midi, mercredi. Or, le mercredi après-midi, ainsi que le week-end, il travaillait. Pour une misère, et dans l’ilégalité, certes, mais il fallait bien au moins ça pour subvenir à leurs besoins, à sa mère et à lui…
Sam n’avait pu demander au proviseur de changer la date de cette colle qui tombait mal, car cela l’aurait amené à donner à l’adulte les raisons de son indispositions.
Tout en parcourant les couloirs pour se rendre dans la cour, Sam pesait donc le pour et le contre. Qu’est-ce-qui était le plus grave ? Sécher encore au collège et risquer de se faire renvoyer, ou bien ne pas se présenter au boulot au risque de perdre sa place ?
Sam songea avec dégout à son poste de comptable. Mr. M le lui avait décrit comme un poste prometteur, où il était bien placé pour grimper les échelons. Mais Sam n’avait pas tardé à comprendre que son job se résumait en réalité à trafiquer les compteurs de vitesse sur des voitures volées puis revendues. Mr. M veillait au gain: rien ne lui échappait.
« Allons, mon petit Samy, susurrait-t-il à son oreille lorsque le garçon se rebellait contre ses pratiques malhonnêtes. Ca fait marcher le commerce. »
Et à Sam de penser tout bas « Ca fait surtout marcher ton compte en banque… ».
Au fond, se dit-t-il, ce travail n’était pas si essentiel. Et puis, il n’aurait probablement trop de mal à en dégoter un autre, plus honnête, déjà! Comme promeneur de chiens. Mais oui, c’était très bien, ça! C’était décidé, Sam ne se présenterait pas dans le hangar de Mr. M le lendemain. Il espérait simplement ne pas subir sa haine au détour d’une rue sombre et peu fréquentée. Sam chassa vite cette pensée de sa tête, mais quelque-chose ricana à l’intéreur.
L’adolescent fronça les sourcils. Allons. Ca n’allait pas recommencer…il ferma son esprit, essaya de se concentrer sur quelque-chose d’heureux, mais la chose faisait toujours barrière, à son corps défendant. Sam avait la claire impression que ça se moquait de lui. Il savait qu’il était faible, mais après-tout, il lui suffisait de l’ignorer, non ?
Sam s’apprêtait à pénétrer dans la cour lorsqu’une force le repoussa vers l’arrière. Percutant brutalement le mur qui se trouvait derrière lui, Sam vit trente-six chandelles avant d’y voir à nouveau clair. L’oreille aux aguets, il tourna la tête de tous côtés, à la recherche de son agresseur. Mais le couloir était désert.
Se détachant prudemment de son coin, avançant à pas mesurés vers la sortie, le garçon jeta un coup d’œil circulaire dans la cour. Mais il n’y avait personne là non plus.
Soit le blagueur avait filé, soit…
Sam avait eu la sensation que cette force venait d’à l’intérieur de lui. Mais c’était impossible, ce n’étaient que des voix. Et les voix ne nous repoussent pas en arrière, si ?
Haussant les épaules, il s’engouffra dans la cour. L’air froid lui brula le visage, et il battit en retraite sous le préau.
Il y avait une forme sombre au fond du préau, que Sam prit tout d’abord pour une ombre. Il s’aperçu de son erreur lorsque celle-ci bougea dans sa direction.
C’était une fille, élancée, fine, aux cheveux noirs coupés en bol au niveau du menton, et plus court à l’arrière de la nuque. Sam se ratatina lorsqu’elle passa devant lui, le balayant -sans peut-être même le voir- de son regard bleu cobalt. Elle pénètra dans le bureau de vie scolaire, et Sam put enfin respirer à nouveau.
Brunehilde.
La fille bizarre et ermitte à qui personne n’adressait la parole, tant pour son étrangeté que son désir de solitude. On avait la désagréable impression d’être passé au rayon X lorsqu’elle nous regardait. Et au prénom peu commun.
Frissonnant dans son sweet trop grand, Sam espérait simplement que la raison pour laquelle cette fille se rendait au bureau de vie scolaire n’était pas qu’elle avait une retenue à faire pour le lendemain.
Mais il se reprit vite: après-tout, une poisse pareille, ça n’arrivait qu’aux manchanceux ou aux loosers.
- Sam, tu vas rester dans cette pièce.
Sam hocha la tête.
- Brunehilde, dans la pièce à côté. Inutile je pense, de vous préciser qu’il est peu recommandé à deux jeunes gens purgeant leur peine, tels que vous, de papoter durant leur celle-ci, railla le surveillant.
Nouveau hochement de tête. Plus crispé, cette fois.
Serrant les poings, Sam regarda passer Brunehilde. Ses courts cheveux dégageaient une espèce de parfum de fleur, mais il aurait été incapable de dire lequel.
Une fois seul dans la petite pièce sombre que le plafonnier ne parvenait pas à éclairer, Sam poussa un profond soupir et s’enfonça d’avantage dans sa chaise.
En plus d’être victime d’une malchance incommensurable, il était un looser. Il y avait de quoi se réjouir.
« Enfin, songea-t-il en haussant les épaules, au moins on est pas dans la même pièce… »
Il n’aurait su dire pourquoi, mais la présence de cette fille lui donnait des sueurs froides. Comme un instinct qui poussait la proie à se méfier du prédateur. Et cette fille là avait tout l’air d’une louve, avec son regard froid et insensible.
Haussant les épaules, Sam jeta un œil aux exercices de conjugaison posés sur la table. Ils semblaient le narguer.
« Je suis dingue, d’accord, mais au point d’avoir l’impression que des feuilles de papier se foutent de moi…!! » se révolta-t-il silencieusement.
(je suis forcée de poster le texte en plusieurs parties, excusez- donc le type haché...)